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Sur les traces de l’ornithologie en Côte d’Ivoire

Updated: May 18, 2023

Par Saint Guillaume K. ODOUKPE

17 May, 2023

Gonolek de barbarie Laniarius barbarus dans le Parc national de la Comoé. Photo Saint Guillaume K. ODOUKPE.


L’ornithologie est une science peu développée en Côte d’Ivoire bien que les premières études sur les oiseaux remontent aux années 1980. À cette époque, les principales études étaient réalisées dans quelques aires protégées du pays par Jean-Marc Thiollay, à qui je rends hommage, et d’autres ornithologues de passage en Côte d’Ivoire. C’est au début des années 2000 que la Côte d’Ivoire a connu son premier scientifique spécialiste des oiseaux puis un autre quelques années après. En ce moment, je ne pensais pas embrasser une carrière d’ornithologue et même être le troisième ornithologue. C’est en 2009 que j’ai eu mes premiers contacts réels avec les oiseaux dans la zone humide de Grand-Bassam (Site Ramsar) où je devais mener une étude sur les oiseaux afin de présenter mon mémoire de fin de second cycle universitaire en Ecologie Tropicale. En ce moment, je ne savais pas grand-chose des oiseaux, excepté qu’ils sont des animaux qui portent des plumes. Avec une paire de jumelles et un guide des oiseaux qui contenait en majorité des images en noir et blanc (Guide des oiseaux de Serle et Morel, 1993), j’ai parcouru toute la zone humide à la découverte de cette faune exceptionnelle. C’est la toute première fois que je m’apercevais de la beauté et de la diversité des oiseaux dans un milieu ; il fallait juste lever les yeux et faire un peu attention pour les observer.

Tisserin gendarme Ploceus cucullatus, une des espèces granivores rencontrées dans les rizières de la zone humide de Grand-Bassam. Photo Saint Guillaume K. ODOUKPE.


Chaque fois que j’identifiais une espèce d’oiseaux, mon intérêt scientifique faisait peu à peu place à la passion pour les oiseaux. Après trois mois passés sur ce site, j’ai pu identifier plus de 120 espèces d’oiseaux. Les résultats de cette étude m’ont permis de présenter avec succès mon mémoire de Diplôme d’Etudes Approfondies en mai 2010. Après cette initiation ornithologique concluante, j’ai débuté en 2011 mes travaux de thèse sur les oiseaux des champs de riz de la zone humide de Grand-Bassam qui était en ce moment une zone de culture intense du riz. Cette fois, j’ai pu observer plus de 200 espèces d’oiseaux dont une centaine se rencontrait dans les champs de riz pour leurs divers besoins biologiques. Les résultats de cette étude m’ont permis de soutenir ma thèse de Doctorat en mars 2015, faisant de moi le troisième ornithologue de Côte d’Ivoire. J’ai été engagé en 2016 à l’université Félix HOUPHOUËT-BOIGNY, où j’occupe un poste d’Enseignant-Chercheur junior. Cette position me permet chaque année d’initier les étudiants de Master 2 de Biologie de la Conservation et Gestion de la Faune aux méthodes d’inventaire des oiseaux dans la Réserve Scientifique de Lamto, une aire protégée située dans la zone de transition forêt-savane en Côte d’Ivoire.

Les étudiants du Master de Biologie de la Conservation et Gestion de Faune après la formation en méthodes d’inventaire des oiseaux dans la RS de Lamto (De gauche à droite : Alexis, Assa mon collègue, Koné, Reine, Didier, Firmin le cuisinier de la réserve, Coulibaly, Namogo, Camara et Saint Guillaume).


En outre, j’assure l’encadrement de quelques étudiants avec qui j’ai pu effectuer des recherches en ornithologie dans différents sites et sur diverses thématiques. J’ai effectué mes premiers encadrements sur la diversité des oiseaux dans la Réserve Naturelle de Dahliafleur et la Réserve Naturelle Partielle d’Aghien, deux aires protégées du District d’Abidjan. Au cours de ces études, nous avons pu identifier environ 150 espèces d’oiseaux dans chacune de ces réserves. Des études spécifiques sur les Malimbes et quelques oiseaux d’eau y ont été aussi réalisées. Avec trois autres étudiants, j’ai également mené des recherches dans les bas-fonds rizicoles aménagés du district de Yamoussoukro (Capitale politique au centre de la Côte d’Ivoire) pour comprendre les modalités d’utilisation de ces bas-fonds aménagés par les oiseaux d’eau et mesurer l’impact des oiseaux granivores sur la production du riz. Une autre de mes activités de recherche et d’encadrement s’est intéressée au commerce des oiseaux dans le District d’Abidjan. En fait, malgré la fermeture de la chasse depuis 1974, le braconnage et le commerce des espèces sauvages s’effectuent en Côte d’Ivoire en toute impunité. C’est pourquoi, nous avons cherché à connaître les oiseaux impliqués dans ce commerce de la faune sauvage. L’étude a permis d’identifier 77 espèces d’oiseaux dont 06 espèces sont inscrites en annexe I de la CITES et 08 espèces inscrites sur la liste rouge de l’UICN. Ces oiseaux, d’origines diverses, sont principalement utilisés comme des animaux de compagnie. Cette étude mérite particulièrement d’être poursuivie afin de connaître le circuit de commercialisation de ces oiseaux sauvages et de mesurer l’impact des prélèvements sur leurs populations, notamment le perroquet gris à queue rouge.

Perroquets gris à queue rouge Psittacus erithacus, espèce en danger et inscrite en annexe I de la CITES, vendus dans un marché à Koumassi (Abidjan). Photo Saint Guillaume K. ODOUKPE.


En collaboration avec certains collègues et quelques structures nationales, j’ai pris part à plusieurs activités qui m’ont permis d’accroitre mon expérience sur les oiseaux. Initialement formé dans une zone humide, ces opportunités m’ont permis de visiter plusieurs aires protégées et localités du pays, et surtout d’avoir une bonne connaissance des oiseaux des écosystèmes forestiers et savanicoles de la Côte d’Ivoire. Comme écosystèmes forestiers, j’ai pu visiter et observer les oiseaux du Parc National du Banco (une forêt située au cœur de la ville d’Abidjan), du Parc National de Taï (le plus grand bloc forestier ouest-africain sous protection situé au Sud-Ouest du pays), de la Réserve Naturelle Intégrale du Mont Nimba (Point culminant de la Côte d’Ivoire situé à l’Ouest, à la frontière du Libéria et de la Guinée), du Parc National du Mont Peko (Situé à l’Ouest de la Côte d’Ivoire, autrefois infiltré par les populations) et de nombreuses Forêts Classées (FC Yapo-Abé, FC Béki, FC Bossématié, FC N’Ganda N’Ganda, etc.). Tous ces sites hébergent une avifaune exceptionnelle qui reste cependant peu documentée et moins valorisée.

Barbican chauve Gymnobucco calvus observé dans une forêt dégradée à San-Pedro (Sud-Ouest de la Côte d’Ivoire). Photo Saint Guillaume K. ODOUKPE.


Pour ce qui concerne les écosystèmes savanicoles, j’ai visité et observé les oiseaux du Parc National de la Comoé (la plus grande aire protégée d’Afrique de l’Ouest), de la Réserve Naturelle de Faune de N’Zi River Lodge (Constituée des FC Mafa, Besse-Boka, Fêtêkro et Laka) et du massif Soungourou (Constitué des FC Sougourou, Kouabo-Boka et Boka-Go). Ces deux derniers sites ont été visités dans le cadre d’un inventaire statistique de la faune des forêts classées du Centre de la Côte d’Ivoire commandité par la Société de Développement des Forêts (SODEFOR). Ces sites ont un fort potentiel faunique et touristique qui se trouve menacé par de nombreuses activités anthropiques comme dans la plupart des forêts classées du pays. Cependant, quelques efforts sont faits par les gestionnaires pour atténuer les pressions anthropiques dans la Réserve Naturelle Volontaire de N’Zi River Lodge qui fait en ce moment l’objet d’un développement écotouristique.


Echenilleur à ventre blanc Coracina pectoralis observé dans la Réserve Naturelle Volontaire de N’Zi River Lodge (Centre de la Côte d’Ivoire). Photo Saint Guillaume K. ODOUKPE.


Pour mieux cerner les enjeux et défis de la conservation des oiseaux, j’ai participé à quelques passionnants séminaires et congrès sur les oiseaux. Mon premier séminaire sur les oiseaux a eu lieu en 2013 à Abidjan sur l’élaboration d’un plan d’action national de gestion durable des oiseaux de Côte d’Ivoire. Jusqu’à ce jour, ce plan d’action n’a jamais été mis en œuvre. En 2015, j’ai aussi participé à la seconde réunion du groupe de travail sur les oiseaux migrateurs terrestres d’Afrique-Eurasie organisée à Abidjan par le Programme des Nations Unies pour l’Environnement. J’ai eu l’opportunité en 2016 de participer à mon premier Congrès Panafricain d’Ornithologie (PAOC 14) qui s’est tenu à Dakar (Sénégal). Grâce aux oiseaux, j’effectuais ainsi mon tout premier voyage à l’étranger ; le billet d’avion et l’assurance de voyage m’ayant été gracieusement offerts par l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) que je remercie énormément. A ce congrès, j’ai rencontré de merveilleuses personnes notamment mon amie Diallo Aïssatou Yvette de Birdlife Dakar, à qui je fais un clin d’œil. J’ai pu aussi mettre des noms sur le visage de nombreux ornithologues que j’ai eu l’occasion de lire. J’ai passé une année 2022 exceptionnelle en participant à deux évènements majeurs sur les oiseaux. Déjà en avril, sur invitation de l’Institut Ornithologique Suisse, je prenais part à une séance d’échanges et de réflexion sur l’atlas des oiseaux africains.

Kennedy, Bello, N’Goné, Ghislain, Irène, Panshak, Yvette, Iniunam et Saint Guillaume (Sempach, Suisse).


Du 21 au 25 novembre dernier, j’ai participé au quinzième Congrès Panafricain d’ornithologie (PAOC 15) qui s’est tenu à Victoria Falls, Zimbabwe. Ce congrès devait se tenir plus tôt en 2020 mais pour des raisons de crise sanitaire liée à la COVID 19, il a été plusieurs fois reporté. Je n’ai eu aucun soutien financier mais j’ai tenu à y être pour m’informer des recherches effectuées sur les oiseaux africains et améliorer mes perspectives de recherche. C’était un magnifique congrès au cours duquel j’ai fait une présentation orale de mes recherches sur les oiseaux d’eau des bas-fonds rizicoles de Yamoussoukro et quelques présentations affichées. C’était également un moment de retrouvailles avec mes amis et de rencontre de merveilleuses personnes. L’une des fabuleuses rencontres que j’ai faites est celle de Nico Arcilla, Présidente de IBCP (International Bird Conservation Partnership), qui me donne l’opportunité de raconter mon expérience sur le site internet de son organisation. Toutes ces opportunités m’ont permis d’avoir une bonne expérience sur les oiseaux. Mais, comme la plupart des ornithologues africains, j’ai encore beaucoup de chemin à faire pour m’investir réellement dans leur conservation. C’est pourquoi, je souhaite rejoindre le programme de volontaire de IBCP pour renforcer mes capacités et développer des activités de conservation des oiseaux de Côte d’Ivoire qui ne bénéficient actuellement d’aucunes actions réelles de conservation. Je remercie infiniment Nico et tous ses collaborateurs de IBCP de m’avoir permis d’écrire ces quelques lignes.

Grébifoulque d’Afrique Podica senegalensis observé dans le Parc National d’Azagny (Sud de la Côte d’Ivoire). Photo Saint Guillaume K. ODOUKPE.

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